Mais Donald Trump fait face au refus du gouvernement panaméen. « Le canal de Panama appartient au Panama et continuera d’appartenir au Panama. Le canal de Panama n’a pas été une concession ou un cadeau des États-Unis », a lancé ce mercredi le président du Panama, José Raul Mulino, lors d’une table ronde organisée à l’occasion de la réunion du Forum économique mondial à Davos, en Suisse.
Le Panama défend son canal face aux convoitises de Donald Trump
Le président panaméen, José Raul Mulino, a réaffirmé la souveraineté de son pays sur le canal de Panama lors de la 55e réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, en Suisse.
REUTERS/Yves Herman
Le président américain menace depuis plusieurs semaines de « reprendre » le contrôle du canal de Panama. Si le gouvernement panaméen est préoccupé par cette ambition, il s’affiche déterminé à conserver sa souveraineté sur cette artère vitale du transport maritime mondial.
Le Panama entend bien se défendre contre l’appétit de Donald Trump. Le président américain a réitéré lundi, lors de son discours d’investiture, sa menace de « reprendre » le contrôle du canal de Panama. Cette voie navigable entre l’Atlantique et le Pacifique, inaugurée en 1914, a été construite par les États-Unis avant d’être transférée au Panama en 1999. Un « cadeau qui n’aurait jamais dû être fait », a-t-il estimé. Déjà début janvier, il avait déjà laissé planer la possibilité d’un éventuel recours aux forces armées pour l’annexer.
Pour le dirigeant panaméen, son pays « ne se laisse pas distraire par ce genre de déclarations ». « On ne peut pas contourner purement et simplement le droit international pour imposer ses critères », a-t-il appuyé. Le gouvernement panaméen ne prend toutefois pas à la légère les déclarations de Donald Trump. Il les a qualifiées de « préoccupantes » mardi dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Interrogé par une journaliste à l’issue de la table ronde sur le risque de voir les États-Unis envahir le Panama, le président a néanmoins répondu, à deux reprises et visiblement agacé : « Soyez sérieuse ! ».
L’ombre de la Chine
Donald Trump motive sa promesse de reprendre le contrôle du canal de Panama en affirmant en outre que la Chine « exploite » cette voie maritime. Ce que dément la principale intéressée. « La Chine n’a pas participé à la gestion et à l’exploitation du canal, elle n’a jamais interféré dans les affaires liées au canal et respecte la souveraineté du Panama sur celui-ci, reconnaissant le canal comme une voie de navigation internationale de neutralité permanente », a déclaré ce mercredi Mao Ning, une porte-parole de la diplomatie chinoise. Et d’ajouter : « La souveraineté et l’indépendance du Panama ne sont pas sujettes à négociation, et le canal ne doit être soumis à aucun contrôle direct ou indirect de grandes puissances ».
Concrètement, ce couloir de 80 kilomètres est administré par l’Autorité du Canal de Panama, une entité autonome panaméenne. C’est toutefois une entreprise chinoise, Hutchison Ports, qui exploite sous concession les ports de Balboa et Cristobal, à chaque entrée du canal, côté Atlantique et Pacifique. En « temps de conflit », ces ports pourraient être utilisés par Pékin « comme un goulot d’étranglement qui empêche le commerce » international par le canal, a affirmé le secrétaire d’État américain, Marco Rubio.
Face à ces propos, le gouvernement panaméen a annoncé mardi un « audit exhaustif » de Panama Ports Company, filiale de Hutchinson Ports, afin de « déterminer si les accords de concession conclus (…) sont respectés, en vérifiant que l’entreprise déclare correctement ses revenus, paiements et contributions à l’État ». Dans un communiqué, la société a indiqué « coopérer pleinement » avec cette procédure, assurant que les précédents contrôles avaient démontré le respect de ses « obligations contractuelles ».
Interférer dans les relations sino-panaméennes
Pour Benjamin Gedan, directeur du programme pour l’Amérique latine du think tank Wilson Center, « il y a des préoccupations raisonnables liées à la présence d’une entreprise chinoise ». « Le canal a une valeur énorme pour les États-Unis, tant commerciale que stratégique, et il ne serait pas difficile pour Pékin d’interrompre ses opérations », considère-t-il. Pour autant, selon Rebecca Bill Chavez, présidente du think tank Interamerican Dialogue, le Panama a « respecté » la neutralité du canal en maintenant « l’efficacité des opérations ».
De son côté, Euclides Tapia, professeur panaméen en relations internationales, voit dans l’ambition de Donald Trump un « argument fallacieux qui cache la volonté que le Panama réduise à sa plus simple expression ses relations avec la Chine », a-t-il indiqué à l’AFP. Depuis que le Panama a rétabli des relations diplomatiques avec Pékin en 2017, les échanges commerciaux avec la Chine ont considérablement augmenté.
En parallèle, des entreprises chinoises ont participé à la construction d’un port pour bateaux de croisières à l’entrée du canal côté Pacifique et sont impliquées dans un projet de pont enjambant la voie maritime d’un montant de 1,4 milliard de dollars. Lors d’une visite du président Xi Jinping en 2018, Pékin a proposé d’autres projets représentant plusieurs centaines de millions de dollars. Il avait même proposé d’installer une ambassade à l’entrée du canal, projet qui ne s’est pas concrétisé en raison de présumées pressions américaines.
Les États-Unis peuvent utiliser la force, sous condition
Le transfert du canal au Panama a été régi par des traités établis en 1977. « Aucun de leurs principes ne mentionne, et encore moins n’autorise, les États-Unis à récupérer ou à réclamer le canal de Panama », a rappelé à l’AFP Julio Yao, qui faisait partie de l’équipe panaméenne qui les a négociés.
Mais des amendements introduits par les États-Unis donnent la possibilité à Washington d’utiliser la force armée de manière unilatérale « pour défendre le canal contre toute menace » de fermeture. Seul ce motif « pourrait justifier l’usage de la force militaire au Panama, et uniquement pour maintenir le canal ouvert, pas pour s’en emparer et l’exploiter économiquement », a indiqué Euclides Tapia.
Que Donald Trump ait répété ses menaces lundi « rend plus probable qu’il s’agisse d’une déclaration sérieuse », relève en tout cas Benjamin Gedan. L’expert juge « une intervention militaire peu probable », mais souligne que le gouvernement américain pourrait user des taxes douanières pour faire pression sur le Panama. Sachant que les États-Unis sont le principal partenaire politique et commercial du pays d’Amérique centrale, cela pourrait peser lourd dans la balance.
(Avec AFP)